Etre judoka

« Je me suis mis au Judo », « Je fais du Judo »,… »Je suis judoka ». Il arrive que certains arrêtent de pratiquer à long terme mais se disent toujours judoka. Et quand je retire mon kimono, suis-je toujours judoka bien que je ne pratique pas? Finalement, où commence et où s’arrête le Judo ?

Je développerai un bout de la réponse dans les bases du Judo en détaillant deux parties : les éléments qui constituent le judoka et les trois principes du judo.

Les éléments : Shin – Gi – Taï

En France, en Occident, on oppose souvent nature et culture, corps et esprit. Dans la culture du Bushido, des Arts Martiaux, les éléments qui constituent l’individu sont intimement liés et interdépendants. C’est Shin Gi Taï : l’esprit, la technique, le corps.

Shin :

Le Shin, l’esprit, est la valeur morale du judoka. Elle donne sens aux deux autres, les guide. C’est pour le judoka sa façon d’Être avec lui-même, les autres et le monde qui l’entoure.

Gi :

Le Gi, la technique, est à associer non pas à la connaissance d’un panel plus ou moins fleuri de techniques mais davantage à son exécution. C’est la part artisanale que je judoka exprime dans son attitude et son rapport au travail. C’est sa façon d’agir et d’évoluer dans le monde.

Taï :

Le Taï, le corps, est la valeur physique du judoka. Shin et Gi sont portés par la mise en jeu du corps, son expression.

Ces trois éléments sont à cultiver conjointement. Ils se nourrissent et forment un judoka complet. Shin-Gi-Taï, c’est ainsi la valeur d’un grade, d’une ceinture. Concrètement ? Ne dit-on pas « être » ceinture noire ?

La prochaine fois qu’on te demandera quelle ceinture tu as, tu pourras répondre « Je suis ».

Etre, agir, cultiver son corps… C’est une affaire du quotidien. Pour être judoka, encore faut-il réfléchir à la Voie à entreprendre. Shin-Gi-Taï… Oui, mais pour quoi ?

Les principes

Au-delà d’une pratique, ou même d’un Art, Jigoro Kano a énoncé des principes comme base de sa Voie d’éducation. Il a lui-même testé, le plus efficace pour apprendre, c’est de le faire avec le corps. D’où le Judo. A nous de voir que tout est lié :

JU NO RI : « Non résistance »

« Ju-Do », communément traduit « Voie de la souplesse », tire son nom du principe « Ju No Ri », propre au Ju Jitsu (Art/technique de la souplesse).

Non résistance, c’est accepter la force de l’autre, entendre ce qu’il a à dire, comprendre son geste ou sa parole. C’est plier plutôt que bloquer ou casser. Faiblesse ? Aucunement car la réponse est des plus adaptée en retour.

Mon adversaire me pousse, j’ouvre et tire. Il est déséquilibré. Une technique, il chute. Cet état de non résistance est directement lié à la Culture Zen.


SEIRYOKU ZENYO
: « Meilleure exploitation de l’énergie »

Si la souplesse vous permet d’utiliser la force de l’autre, autant continuer vers l’efficacité. Souvent maitre mot des Arts Martiaux, cette « meilleure exploitation de l’énergie » est la finalité du pratiquant. Dans les film, on voit souvent cette image du vieux sage qui expulse l’élève d’une pichenette… Sur les tatamis, c’est une quête, ce beau ippon accompagné de la sensation : « J’ai même pas forcé ».

C’est alors que déséquilibrer par ci, tirer la manche par là, placer son centre de gravité comme ci.. ; Et finallement enchaîner par que ça bloque… Les judokas dansent et la neige tombe.

En somme, ce principe judo nous apprend à trouver une façon simple et efficace pour reussir, que si ça bloque, c’est qu’il faut changer. Et là, changer,c’est grandir.

JITA-YUWA – KYOEI : « Entraide et prospérité mutuelle»

Par que le projet de Kano est de créer une Voie d’éducation, un troisième pricincipe se doit de supporter les deux premiers. Comment apprendre à être souple et efficace tout seul ? L’entraide est nécessaire. Entre le maitre et l’élève, entre les élèves.

En effet, de tout temps, les êtres humains entrent en relation pour vivre et s’organiser créant village, pays, civilisation… Cela peut se faire de son propre intérêt. J’utilise l’autre pour devenir plus fort. Dans ce cas il y a effectivement prospérité, mais de l’un au dépend de l’autre. Cela peut se faire dans l’intérêt de l’autre. J’agis pour aider et faire progresser mon partenaire au Judo. Mon partenaire en fait de même. Nous progressons tous les deux ! La prospérité est mutuelle.

Jita kyōei (自他共栄) « Entraide et Prospérité mutuelle » ou « Prospérité par sa propre force et la force de l’autre » devient l’un des principes fondateurs du Judo comme Voie d’éducation.

Ce principe d’entraide commence dès la ceinture blanche et prend une place toujours plus importante dans la pratique. Toute ceinture noire vous le dira, il n’a pas obtenu son grade tout seul. Il porte avec lui les efforts de ses camarades, et prend plaisir à leur rendre.

Au-delà du kimono, l’entraide et la prospérité mutuelle ne se limitent à la communauté des judokas. Elle se doivent d’être transférées dans la vie de tous jours ! Kano l’a défendu notamment contre la montée du nationalisme qui entraina la IIème Guerre Mondiale

Sources :

► http://www.ffjudo.com/nos-valeurs

► http://www.ffjudo.com/la-charte-du-judo

► Emmanuel Charlot, Judo, principes et fondements (K.éditions, 2006, Paris)